Pixodynamique : la plage
Cette série est une invitation à revisiter l’esprit de certains peintres de la non-figuration. Elle pose aussi la question du traitement matriciel de la photographie numérique.
À la fin des années 1930, de jeunes peintres parviennent à s’affranchir tout à la fois de la représentation de la forme (cubisme) et de celle de la couleur (fauvisme). De là naîtra le mouvement «non-figuratif» après guerre. Cette peinture n’est pas une négation mais un englobement de la figuration. Elle la restitue comme un cas particulier simple à l’intérieur d’un ensemble de rapports plus complexes d’expression de la réalité. Nicolas de Staël est à rapprocher de ce courant. À partir de 1942, il délaisse le pinceau au profit du couteau, qui lui servait jusqu’alors à faire les mélanges de couleur sur sa palette. Il se libère de la représentation du détail et se concentre sur l’essence des choses, d’un paysage, d’un corps, d’un geste. C’est une recherche formelle éblouissante qui m’a durablement marqué. Je la revisite épisodiquement (en 1999 «le bestiaire», en 2006 «les voyageurs»).
Aujourd’hui, à l’ère des nano technologies, le pixel et la micro bulle d’encre remplacent le grain argentique. Pour découvrir le pixel et ses composantes colorimétriques, il faut véritablement pénétrer au cœur même de la photo numérique. La moindre intervention sur sa position, sa teinte, sa saturation ou sa luminance interagit sur l’essaim de pixels qui l’entoure et sur le rendu final de la photo. Il est inutile de chercher à comprendre la logique des algorithmes mathématiques de compression et de décompression qui induisent cette réorganisation de l’image. Le photographe est condamné à multiplier les expérimentations et les observations, bases de toutes sciences empiriques. Filtres et outils de retouche d’images sont définitivement proscrits. Seuls nous intéressent ici les dégradations engendrées par les compressions et décompressions de la photo. En argentique, chaque reproduction d’un tirage engendrait une détérioration de l’image. En numérique, toute augmentation de la taille de l’image se traduit naturellement par un gain en pixel, mais surtout, par une redéfinition totale des formes et des couleurs qui s’organisent en une «mosaïque électronique» faite de carreaux de pixels. Ainsi, à l’image de chacun des pixels qui les composent, chaque carreau dépend de celui qui le jouxte. Les mathématiques décident de tout. Netteté ou imprécision des formes, couleurs qui bavent ou disparaissent, voire même apparition de couleurs qui n’existaient pas sur l’original. C’est l’effet papillon. Le simple déplacement de quelques pixels entraîne une dynamique (pixodynamics) qui réinterprète la photo de fond en comble.
Je cherche, par ce type de photographie, ni figurative ni abstraite, à me rapprocher du mouvement artistique de la «non-figuration».
J’ai choisi la plage comme terrain d’expérimentation, car il s’agit d’un lieu où les personnages ne se fondent pas dans le décor, une caractéristique longuement étudiée lors de précédents travaux (séries « Mes vacances à… » où j’utilisais des Toy’s caméras ou encore ma série « Parcelles » en diorama photographique).
Patrick Fournial – novembre 2009











