Retour à Rennes
(Texte d’introduction à « Retour à Rennes » Ed. les Beaux Jours – 2008)
L’immense développement de la carte postale au début du XXe siècle a favorisé la production d’un maillage photographique resserré du territoire.
À nul autre moment de l’histoire de la photographie un état des lieux aussi complet n’a été réalisé. Du moindre hameau aux grandes villes, tous les espaces habités ont été photographiés. Ces images simples, souvent d’une grande qualité artistique et documentaire, nous donnent accès à une quantité d’informations sur la société d’alors. Beaucoup de ces photographies échappent au pittoresque généralement associé à l’industrie de la carte postale. Elles témoignent plutôt d’une relation positive à l’espace urbain de leur temps et aux transformations qui le modifient.
La présentation de ces paysages ordinaires et leur grande diffusion sous forme de cartes postales montrent qu’ils ont été largement assumés par leurs habitants. C’est le signe d’une forte identification de la population à son milieu, d’une intimité avec les lieux. Qu’est devenue cette forme d’urbanité ?
Mais le questionnement ne se limite pas à l’examen des images anciennes ; la confrontation avec les vues actuelles est source de nouvelles interrogations. Qui, aujourd’hui, montrerait à ses proches une image de son quartier, de sa rue ou de son immeuble ? Comment représentons-nous les paysages contemporains et plus particulièrement les paysages urbanisés ? Jusqu’où voulons-nous bien les considérer tels qu’ils sont ?
La « reconduction » photographique fait apparaître ces questions tout en contribuant à y apporter quelques réponses. C’est l’évidente faculté de dévoilement de la reconduction qui m’a donné l’envie de la mettre en œuvre largement, de renouer avec ses états des lieux photographiques, avec ces projets utopiques d’inventaire, de mémorisation du monde, dont la photographie est coutumière.
La reconduction consiste à faire une prise de vue conforme à une photographie antérieure, en respectant le plus précisément possible le point de vue d’origine, le cadrage et les autres paramètres, comme la saison, la lumière… Cette technique spécifiquement photographique est un moyen d’améliorer la perception de lieux supposés familiers – dans cet ouvrage les paysages rennais – et d’accéder aux phénomènes complexes et parfois discrets qui les modifient sans cesse.
Le travail de reconduction photographique tend à comprendre et non à verser a priori dans la nostalgie d’un monde perdu. Le principe des comparaisons n’est pas qu’un simple jeu des sept erreurs car les indices nous laissent entrevoir des relations plus subtiles. Puisse cette centaine de couples d’images rennaises témoigner ainsi des « petits mondes » qui, jour après jour, façonne l’identité de la ville.
Daniel Quesney (a assuré le suivi de l’Observatoire photographique du paysage).